Liste artistique.
Liste technique.
Réalisation Anne LE NY
Scénario Anne LE NY
Production Bruno LEVY
Coproduction SND, C8 Films
Image Laurent DAILLAND
Première assistante mise en scène Catherine CAMBIER
Scripte Marie GENNESSEAUX
Casting Tatiana VIALLE
Décors Stéphane TAILLASSON
Costumes Camille RABINEAU
Montage Guerric CATALA
Effets visuels Hoël SALINGER
Musique originale Benjamin ESDRAFFO
Son Pierre TUCAT
Benoît HILLEBRANT
Cyril HOLTZ
Régie Gaël IANNANTUONI
Directeur de production Amaury SERIEYE
Coordination de production et postproduction Julie LESCAT
Directrice des productions Sylvie PEYRE
Entretien avec Anne Le Ny.
Comment ce projet est-il né ? Vous a-t-il été inspiré par une histoire vraie ?
En réalité, plusieurs points de départ se sont conjugués. J’ai conscience de l’intérêt que je porte aux problématiques cornéliennes, mais l’affaire Viguier m’a particulièrement interpellée le soutien des enfants à ce père accusé de la disparition de leur mère a nourri ma réflexion sur l’ambiguïté des émotions et la difficulté à faire des choix dans des situations intenables. J’ai mis du temps à écrire, et en développant le projet, j’ai beaucoup réfléchi pour trouver la place de la jeune fille. Adopter le parti du père était compliqué et j’ai pris celui d’une fille qui n’a pas de place auprès de son père et peut éprouver le désir inconscient de voir disparaître sa belle mère. Je suis moi même belle mère avec des beaux enfants charmants. Je sais donc qu’à une relation affectueuse peuvent se mêler des sentiments inconscients assez ambivalents, comme dans les contes de fées.
Souvent, dans vos films, les personnages sont amenés à « trahir » - Bertrand et Lorraine dans Ceux qui restent, Lucien dans Les invités de mon père, Marithé dans On a failli être amies - et c’est de nouveau le cas ici. Pour autant, on comprend leurs motivations.
J’ai tardivement pris conscience qu’effectivement « trahir » est un thème assez central pour moi. Je pense que cette problématique trouve ses racines dans mon histoire familiale. Mon père, issu d’un milieu ouvrier, a fait des études et est devenu professeur d’université. Mais cette ascension sociale a été hantée par la crainte de devenir un bourgeois, un « social traître ». Nous avons grandi entre deux milieux sociaux et j’ai donc hérité de cette obsession. Mon grand père, lui, était résistant il est mort en camp de concentration après avoir été dénoncé par un gamin de 16 ans sous la torture il a donc été trahi par quelqu’un de bien plus courageux q ue la moyenne. Il n’y a pas que des mauvaises personnes qui commettent des actes terribles.
On songe souvent au cinéma de Claude Sautet dans la justesse d’observation du comportement humain, des grandeurs et petitesses de l’âme humaine. Est-ce une inspiration consciente ?
Oui, Sautet ou Renoir d’ailleurs : je revois souvent des scènes de leurs films parce que la vie est là, qui palpite. Il leur a fallu beaucoup de travail pour en arriver là, mais c’est aussi une question de rythme. Car ce sont des cinéastes qui ont prodigieusement le sens du tempo, qui construisent la réalité d’une ambiance à l’oreille. J’adore aussi Truffaut, bien que son rythme ne soit pas celui de la vie, mais le sien propre : il nous fait entrer dans son intimité et met son tempo sur le monde.
La plupart des scènes sont courtes et vont droit à l’essentiel.
Ce n’est pas le tempo d’une famille, mais le tempo d’une mécanique qui broie les rythmes biologiques de tout le monde. Les repas, le sommeil, les nuits sont bouleversés par la succession des événements. Le tempo du drame qui s’abat s’impose et dérègle tout.
Quels étaient vos axes pour la direction artistique ?
J’ai choisi de situer l’histoire à la montagne car, étant d’origine bretonne et habituée aux horizons maritimes, je trouve les paysages montagnards oppressants. Et puis, ravins et torrents sont des éléments naturels propices aux accidents… Les Vosges, avec des ciels lourds et bas, ont un côté rugueux. La maison est un personnage à part entière. J’ai adoré travailler avec mon chef décorateur, que j’ai rencontré grâce à mon fidèle chef opérateur, et nous avons pu exploiter cette maison qui a des arrière plans partout et une circulation atypique. Elle ne correspond pas à ce que j’avais imaginé au départ, mais les possibilités qu’elle offrait m’ont tout de suite séduite. Nous avons apporté des couleurs chaudes, solaires, pour qu’elle incarne un cocon chaleureux, le paradis perdu de la mère disparue. Pourtant, sa circulation particulière qui permettait aux acteurs d’arriver d’en haut ou d’en bas m’a aidée à introduire une forme de danger on ne sait jamais d’où quelqu’un peut surgir ou vous surveiller, ce qui rend l’intimité difficile. Nous avons donc travaillé à la fois l’aspect cocon et l’aspect éclaté du lieu au découpage.
Comment avez-vous choisi vos principaux interprètes ?
Je connaissais un peu André Dussollier et j’avais envie de travailler avec lui. José Garcia avait gentiment refusé un rôle que je lui avais proposé, et j’ai retenté ma chance car pour ce personnage qui glisse sur une mauvaise pente, je voulais un acteur qui vienne de la comédie. Je connaissais ses capacités dramatiques pour l’avoir vu dans Le Couperet de Costa-Gravas, mais son côté clair et sympathique m’assurait que les spectateurs ne sentiraient aucune ambiguïté chez le personnage. C’est un acteur généreux et sincère, plein d’énergie, qui travaille son personnage à partir du physique et fait des propositions passionnantes. Notre approche est différente, mais nous nous sommes très bien entendus et cela a été très enrichissant pour moi. Je ne connaissais pas Capucine Valmary. Nous avons fait un casting car je cherchais une jeune actrice entre 18 et 22 ans. Du haut de ses 19 ans, elle est étonnante de retenue et d’émotion contenue. Elle a cette grâce et à la fois ce côté un peu pataud propre au moment éphémère qu’est la fin de l’adolescence. J’ai aimé sa justesse et la manière dont elle a joué dans une forme de stupeur, et elle est incroyablement photogénique ! Elle donne envie de l’enlacer et de la réconforter. La musique, très marquante, est un personnage à part entière. Je ne suis pas du tout musicienne, et il ne m’est pas toujours aisé de faire comprendre mes attentes. Mais Benjamin Esdraffo est venu très tôt au montage et il a rapidement proposé le thème du générique de début. J’ai aimé. Nous avons pu échanger, je lui ai parlé dramaturgie et il a saisi ce que je voulais que le spectateur ressente et à quels endroits. Puis, il a réussi à le transcrire musicalement. J’ai fait le choix de ne rien superposer aux dialogues. La musique apporte beaucoup au film, et son identité est si forte qu’elle est un véritable personnage. Elle est plus longue que celle de mes films précédents et c’est certainement une de mes préférées !
Entretien avec José Garcia.
Qu’est-ce qui, au départ, vous a intéressé dans ce projet ?
J’ai trouvé très intéressant le rapport père-fille, et la manière dont mon personnage est pris en étau entre ses responsabilités de père et le besoin de se protéger. La complexité de sa situation révèle beaucoup de choses sur l’âme humaine : le mensonge, la combativité, la place dans la famille, la crise de conscience, la difficulté à faire des choix justes, le piège de l’engrenage.
Connaissiez-vous le travail d’Anne Le Ny ?
J’aime son écriture : elle est simple, ciselée et infiniment précise. Souvent, les femmes réalisatrices sont davantage dans la sensibilité que dans l’efficacité, c’est là aussi que réside la force d’Anne Le Ny. J’ai trouvé son choix des Vosges intéressant, car c’est un paysage peu vu au cinéma, avec des montagnes lointaines et basses qui n’envahissent pas l’écran et n’écrasent pas le spectateur.
Aviez-vous entendu parler de l’affaire Viguier dont l’intrigue s’inspire très librement ?
J’avais en tête plusieurs autres crimes dont l’affaire Alexia Daval avec cet homme qui avait tué sa femme et participé à une marche blanche auprès de ses beaux-parents. Se savoir assassin et pleurer la victime est un paradoxe qui m’a interpellé. C’était épouvantable mais cela offrait une riche palette de sentiments pour camper un personnage : humiliation, honte, déni, effroi, effondrement.
Vous retrouvez André Dussollier dans un tout autre registre qu’À fond…
C’est formidable d’être le partenaire d’un acteur tel que lui ! C’est un virtuose qui peut jouer toutes les nuances avec une infinie subtilité. J’ai particulièrement aimé cette scène où j’essaie de me dépêtrer de la situation dans laquelle je me suis fourré tandis que lui commence à comprendre ce qui se passe. J’adore jouer les personnages qui se prennent les pieds dans le tapis mais qui parviennent à se ressaisir.
On croit immédiatement au rapport père-fille que vous nouez avec Capucine Valmary.
Oui, Capucine incarne son personnage avec une grande sensibilité et j’ai beaucoup apprécié jouer avec elle. Elle a l’âge d’une de mes filles et une certaine ressemblance, et d’ailleurs elle est copine avec elle. Sa fragilité trouve un écho chez le père que je suis et cela a permis de créer facilement un lien. Je connais bien ce monde des grandes adolescentes et leurs demandes qu’il n’est pas toujours facile de satisfaire. C’est valorisant d’être sollicité mais parfois difficile de dégager le temps nécessaire.
Anne Le Ny explique que vous avez des méthodes très différentes, mais que vous vous êtes très bien entendus.
Avec les très bons metteurs en scène, tout est simple ! Trintignant disait « j’ai fait le film le peigne dans le maillot ». Et ici j’en dirais autant. Non seulement tout était écrit et travaillé dans le scénario, mais je travaille aussi au feeling. Il y a eu comme une évidence à travailler sur le plateau. Anne est une personne chaleureuse, simple, joviale. Elle a un objectif et s’y tient, et nous étions là pour la même chose : faire le film. Avec elle, il n’y a pas de heurts, pas de conflits, tout se fait en souplesse et en confiance. J’ai pris du plaisir à la surprendre dès que je le pouvais.
Entretien avec André Dussollier.
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le projet d’Anne Le Ny ?
D’abord, j’ai une grande sympathie et beaucoup d’estime pour Anne Le Ny. C’est une excellente comédienne et une réalisatrice pleine de finesse et de subtilité. Elle surprend avec des histoires différentes à chaque film. Ensuite, le scénario m’a totalement séduit par sa construction : il y a là une véritable intrigue, un suspense psychologique où la nature humaine évolue au gré des circonstances, et des personnages complexes, ni bons, ni méchants. Enfin, j’étais heureux de retrouver José Garcia…
Vous êtes-vous raconté le parcours de cet homme avec sa fille et sa femme ?
Oui, j’ai voulu en savoir plus. Mais pour jouer le rôle et enrichir les émotions qui traversaient mon personnage, il me fallait scruter les visages, les habits, les manières d’être. J’aime particulièrement les silences qui expriment parfois plus que les mots, être en alerte constante plutôt que tétanisé par le chagrin, montrer une lucidité et une force de caractère qui émeuvent davantage que la souffrance.
Vous aviez déjà croisé José Garcia dans un tout autre registre avec À fond. Comment se sont passées les retrouvailles ?
C’est un être sensible, délicieux et généreux, attentif à l’autre, et un comédien qui aime faire le grand écart en passant de la fantaisie la plus folle aux choses les plus dramatiques. Il l’a prouvé avec brio. C’était donc un vrai plaisir de le retrouver, et de pouvoir aussi m’amuser avec un partenaire dans un film dramatique.
Vous avez aussi Christiane Millet comme partenaire.
Christiane, qui incarne mon épouse, est une comédienne de grand talent. Je l’ai beaucoup aimée au théâtre, mais aussi au cinéma, et j’aime sa vérité, sa simplicité et son humilité.
Vous avez plusieurs scènes avec la jeune Capucine Valmary.
C’était son premier grand rôle et je devinais son inquiétude, son désir à la fois de satisfaire le metteur en scène et d’exprimer son propre ressenti. J’avais à tout moment envie de la rassurer. Je l’ai trouvée très sensible, digne et forte. Elle a si bien su exprimer le repli d’une fille qui se sent délaissée et isolée que mon réflexe de soutien s’est immédiatement et naturellement prolongé avec son personnage.
Le cadre des Vosges, rugueux et un peu austère, a-t-il une influence sur votre jeu, sur votre inspiration ?
C’est un paysage que je ne connaissais pas du tout. Mais se promener dans ces forêts, sentir que le drame peut surgir de n’importe où, d’un torrent comme de la solitude, sont des éléments qui inspirent, et pour jouer, un comédien se sert de tout.
Comment s’est passée votre collaboration avec Anne Le Ny ?
Nous avions la même approche, nous avions les mêmes envies, nous cherchions à nous surprendre pour servir au mieux la situation, les personnages et le film. J’ai été ravi de tourner avec elle et d’expérimenter ce que j’avais ressenti en voyant ses films. Pour toutes les scènes, Anne fouille chaque détail, connaît chaque recoin, ne laisse rien au hasard et reste très ouverte à nos propositions. Il y a des échanges permanents, agréables et constructifs.